©️ IFAEPE, Tobias Ryser

IFAEPE – gestion d’une ressource précieuse

L’Institut fédéral pour l’aménagement, l’épuration et la protection des eaux (IFAEPE) s’emploie sans relâche à concilier les intérêts écologiques, économiques et sociaux liés à l’utilisation de l’eau. Cet institut fait ainsi office de trait d’union entre le monde scientifique et le «monde réel».

En cette troisième décennie du XXIe siècle, les défis environnementaux à relever à l’échelle planétaire sont nombreux. Cela implique non seulement de lutter contre divers types de pollution, mais aussi d’assurer la santé des écosystèmes aquatiques par le recours à des techniques de traitement de l’eau. Les travaux de recherche menés à l’IFAEPE sont essentiels pour surveiller la pureté de cette précieuse ressource.

©️ IFAEPE

La Suisse est parfois qualifiée de «château d’eau de l’Europe», car elle compte sur son territoire plusieurs grands lacs – et une myriade de petits lacs – , deux fleuves, le Rhin et le Rhône, ainsi qu’une multitude de glaciers et de cours d’eau de montagne. Elle offre ainsi à l’IFAEPE une riche variété d’environnements à étudier. Solidement ancré en Suisse, mais doté d’un réseau mondial, l’institut s’intéresse aux concepts et technologies permettant de gérer durablement cette ressource planétaire qu’est l’eau.

L’élimination des nanoplastiques, un sujet brûlant

Les microparticules de plastique finissent dans les océans et les lacs, mais aussi dans l’eau potable – et même dans l’eau minérale en bouteille. En 2019, l’IFAEPE et le Service des eaux de Zurich ont lancé un projet commun pour déterminer si les nanoparticules (moins d’un millième de millimètre) présentes dans l’eau des lacs passent dans les conduites d’eau potable et se retrouvent donc dans les habitations, les hôpitaux et les restaurants. 

Méthode simple d’échantillonage d’ADN environnemental ©️ IFAEPE, Elvira Mächler
Méthode simple d’échantillonage d’ADN environnemental
©️ IFAEPE, Elvira Mächler

 

Dans un rapport récent, des chercheurs ont observé que même si l’eau à traiter contient d’importantes quantités de nanoplastiques, ces particules sont retenues très efficacement par les filtres à sable. Lors des tests effectués en laboratoire et dans une grande installation d’essai aménagée dans les locaux du Service des eaux de Zurich, le filtre à sable lent biologiquement actif a démontré une forte capacité de rétention des nanoparticules – atteignant un niveau d’efficacité d’environ 99,9%! «Il semblerait que la dégradation des macroparticules et des microparticules de plastique dans l’environnement puisse donner lieu à la formation de nanoplastiques», explique Ralf Kägi, chef du laboratoire d’étude des particules.

Innovation et durabilité dans le traitement des eaux usées

Le traitement des eaux usées est l’un des principaux domaines d’activité de l’IFAEPE. Lorsque nous tirons la chasse d’eau, de nombreux nutriments sont gaspillés. Le phosphore, l’azote, le potassium et d’autres éléments potentiellement utiles présents dans l’urine peuvent servir à produire des fertilisants agricoles, tandis que les boues fécales déshydratées peuvent être transformées en combustible. 

Essai sur le terrain du cabanon de toilettes autonome Blue Diversion Autarky toilet, avec séparation de l’urine, installé à côté de toilettes sèches existantes (à gauche) dans un jardin à Durban, Afrique du Sud. ©️ Autarky, IFAEPE
Essai sur le terrain du cabanon de toilettes autonome Blue Diversion Autarky toilet, avec séparation de l’urine, installé à côté de toilettes sèches existantes (à gauche) dans un jardin à Durban, Afrique du Sud.
©️ Autarky, IFAEPE

 

Dans le cadre du projet Blue Diversion Autarky, l’IFAEPE et ses partenaires ont mis au point des toilettes autonomes, sans raccordement aux réseaux d’eau et d’assainissement, qui optimisent la récupération des ressources: les matières fécales, l’urine et l’eau de rinçage sont séparées à la source pour être traitées sur site. Dans le même temps, cette innovation en matière de durabilité offre une solution sûre et abordable aux personnes vivant dans des zones sans électricité, eau courante ou égouts. Ce projet suisse a suscité un grand intérêt au niveau international, ce qui se comprend.

Un savoir-faire appliqué en Afrique

L’accès à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de l’homme. Des familles ougandaises dont la principale source d’eau potable est le lac Victoria bénéficient d’un processus de filtration membranaire gravitaire mis au point par l’IFAEPE. Les enfants de Margaret Athieno tombaient souvent malades après avoir bu de l’eau prélevée dans le lac, lorsque celle-ci n’était pas traitée au moyen de pastilles antibilharziose, mais maintenant ils peuvent trouver de l’eau potable au kiosque à eau installé à l’école locale.

Kiosque à eau utilisé en Afrique ©️ Autarky, IFAEPE & EOOS
Kiosque à eau utilisé en Afrique
©️ Autarky, IFAEPE & EOOS

 

L’IFAEPE a installé avec des partenaires locaux cinq kiosques à eau au Kenya et en Ouganda, assurant ainsi l’approvisionnement en eau potable de dizaines de milliers de personnes. L’expérience acquise en Afrique enrichit les travaux de recherche menés en Suisse sur la décentralisation de l’approvisionnement en eau potable ou le recyclage des eaux grises. C’est une parfaite illustration de la coopération entre un institut de recherche et les autorités locales.

Suivi de la faune et de la flore

Le changement de l’environnement et la pollution ont un impact négatif sur la faune et la flore des lacs et des cours d’eau suisses, et les poissons d’eau douce sont les plus affectés. Pendant plus de 15 ans, l’IFAEPE a étudié la diversité des espèces de poissons dans les lacs et les cours d’eau suisses – ainsi que dans les anciens sédiments. Les méthodes génétiques sont utilisées pour analyser les écailles, les arêtes et les dents trouvées. La comparaison des données actuelles avec les données historiques montre que les espèces présentes dans nos lacs aujourd’hui ne représente qu’une fraction de celles qui y vivaient autrefois.

Le lac Majeur abrite en son fond une espèce rare, la blennie fluviatile (salaria fluviatilis). Les chercheurs du Projet Lac ont commencé à observer les poissons dans leur environnement afin de mieux comprendre la diversité des espèces et leurs dynamiques. ©️ IFAEPE, Ole Seehausen
Le lac Majeur abrite en son fond une espèce rare, la blennie fluviatile (salaria fluviatilis). Les chercheurs du Projet Lac ont commencé à observer les poissons dans leur environnement afin de mieux comprendre la diversité des espèces et leurs dynamiques.
©️ IFAEPE, Ole Seehausen

 

Protéger le climat sans nuire à l’environnement

Un énorme tuyau est posé au fond du lac Léman. L’eau collectée à une profondeur de 40 mètres circule à travers un échangeur de chaleur avant d’être rejetée dans le lac. L’énergie récupérée grâce au réseau d’échange thermique est utilisée par les autorités locales en lieu et place du pétrole et du gaz pour chauffer les bâtiments occupés par le Comité international de la Croix-Rouge et d’autres organisations internationales, réduisant ainsi les émissions de CO2 jusqu’à 80%. En été, le système fonctionne en mode inversé à des fins de réfrigération. Mais les lacs sont des écosystèmes sensibles dont le fonctionnement repose sur des processus biologiques, chimiques et physiques interdépendants. Les recherches menées par l’IFAEPE montrent quelles utilisations de l’énergie thermique ne sont pas néfastes – et peuvent même être bénéfiques: l’eau froide prélevée en profondeur et rejetée à proximité de la surface réduit la température de l’eau en été, diminuant ainsi les effets du changement climatique sur le lac.

Le laboratoire flottant LéXPLORE sur le lac Léman ©️ EPFL, Natacha Tofield-Pasche
Le laboratoire flottant LéXPLORE sur le lac Léman
©️ EPFL, Natacha Tofield-Pasche

 

Des recherches guidées par la curiosité à l’application dans la pratique 

À l’IFAEPE, les scientifiques et les ingénieurs travaillent en collaboration étroite avec des spécialistes des sciences sociales. Développer une technologie n’est souvent que la première étape vers la résolution d’un problème – l’adoption d’une solution dépend in fine de processus politiques et sociétaux. Une approche interdisciplinaire des questions liées à l’eau permet clairement une analyse plus fine et produit donc souvent de meilleures solutions, dont nous tirerons tous profit avec le temps.

 

Image de cover : ©️ IFAEPE, Tobias Ryser